
Clément Guichard
16 octobre 2018,
temps de lecture : 19min
Une page de l’histoire de la NBA s’est définitivement tourné cet été à San Antonio. Violemment.
L’été 2018 des San Antonio Spurs restera mémorable. Dans quelques années, avec le recul, on pourra mesurer la vraie signification de ce qui s’est passé cet été à Fort Alamo. La NBA ne sera plus jamais la même. La page qui avait commencé à se tourner délicatement au départ de Duncan en 2016, s’est violemment refermé cet été.
Le titre de 2014 parait si loin à présent. Pourtant, remis dans son contexte, le « beautiful game » des Spurs est encore là, dans l’horizon, bien distinct lorsque l’on se retourne. San Antonio est la dernière équipe à avoir remporter le titre avant la passe d’arme Golden State – Cleveland de ces quatre dernières années. Et si les Spurs se sont ensuite plantés assez tôt durant les Playoffs 2015 et 2016, ils étaient encore bien présents pour se frotter à Curry et Durant en finale de conférence ouest en 2017.
Match 1 des finales de conférence face à Golden State. Ce jour-là Kawhi Leonard était en transe. 26 points à 7/13 au shoot en 25 minutes et une présence des deux côtés du terrain qui laisse penser qu’il a encore passé l’échelon supérieure. Il resplendissait face à l’équipe archi favorite. Une équipe qui avait vu l’arrivée de Kevin Durant l’été dernier, après avoir remporté 73 matches sans lui la saison précédente. Une équipe composée de Stephen Curry et Durant (deux des quatre derniers MVP de la saison), de Klay Thompson, Draymond Green, Iguodala, Livingston et qui restait sur 2 finales d’affilées et une domination sans partage sur la NBA. Et pourtant, ce soir-là Kawhi montrait qu’il était bien au-dessus. Qu’il pouvait tout faire en mieux et en plus efficace. Il était en mission. Au milieu du 3ème quart-temps, les Spurs mène de 21 points sur le parquet des invincibles Warriors. Insensé.
Et là patatrac. Sur un shoot à 2 points dans le coin, à quelques centimètres de son banc, Kawhi retombe sur le pied de Pachulia et sa cheville tourne. La même cheville qui avait tourné lors de la précédente série face aux Rockets et l’avait contraint à regarder du banc la victoire décisive et exceptionnelle (+39) de ses coéquipiers lors du match 6.
C’est fini. Kawhi sort et ne reviendra plus de la série. San Antonio se fait rattraper dans ce match 1 et perd 4-0. Et c’est à ce moment que tout a changé. Sans prévenir, la parfaite machine mise en place par Popovich et RC Buford s’est enraillée. Ce qui devait être une transition en douceur est devenue une réaction brutale. Une réaction encore inimaginable après ces playoffs 2017.

San Antonio avait trouvé en Kawhi Leonard le futur leader de sa franchise. Un mutisme encore plus fort que Duncan, une éthique de travail comparable et un développement exceptionnel. Kawhi était devenu sans conteste un des 5 meilleurs joueurs en NBA et le meilleur « two way player » de la ligue. La transition entre l’ancienne ère du « Big Three » Duncan – Parker – Ginobili et la nouvelle de Kawhi était écrite. Tout était prévu. Les valeurs d’humilité, de priorité à la défense et aux fondamentaux seraient correctement transmises dans l’héritage. Le prolongement de la dynastie exceptionnelle des Spurs était en marche.
L’histoire était écrite par avance. Kawhi Leonard allait poursuivre la continuité du succès des Spurs. Il serait un « Spur for life ». Il serait MVP un jour. A présent il n’y a plus qu’à tout raturer, déchirer ces pages et commencer un chapitre imprévu qui plonge les Spurs dans un inconnu que Popovich n’avait jamais encore vécu depuis sa prise de fonctions en 1997.
Si la blessure du match 1 n’est pas la cause directe du drame qui s’est opéré entre les Spurs et Kawhi Leonard en 2017-2018, elle est le début du récit. La rupture arrivera plus tard mais ce match fut la fin de la belle histoire entre Leonard et San Antonio. Par la suite, la tendinopathie quadricipitale contractée par Kawhi Leonard durant l’été 2017 sera le début de cette rupture. Les événements qui se sont déroulés par la suite ont été tant de fois relatés qu’il n’est pas nécessaire de revenir dessus. Il suffit de taper « Kawhi Leonard injury spurs » sur un moteur de recherche pour obtenir 20 articles qui listent le détail des événements mois après mois. Il est également inutile de rentrer dans le débat de qui est le fautif dans cette crise relationnelle qui aura rythmé la saison 2017-2018 des Spurs. Est-ce Kawhi, son entourage, ses coéquipiers, l’organisation des Spurs ? Chacun a probablement sa part de responsabilités là-dedans. Peu importe à présent, l’histoire est faite.
C’est ainsi que la franchise NBA qui a connu le plus de pérennité et de stabilité ces 20 dernières années ne possède désormais dans son effectif qu’un seul joueur qui joue chez les Spurs depuis le titre de 2014 : Patty Mills. Belinelli est revenu mais a bien voyagé depuis.
Cette nouvelle situation est probablement le plus grand défi de Popovich jusqu’alors. La difficulté pour lui, les Spurs, et les fans est de gérer la nouvelle donne que le drame Leonard a provoqué : un effectif remanié à moitié et le départ de deux joueurs du titre 2014 : Kawhi et Danny Green. Combinez cela aux départs des deux monuments que sont Ginobili et Parker et il est clair que San Antonio rentre dans une zone mystérieuse.
Les départs et leurs conséquences
Danny Green, un des joueurs les plus aimé de San Antonio a dû être envoyé avec Kawhi à Toronto pour équilibrer les salaires lors de l’échange. Il était un joueur majeur des Spurs depuis 2012. Il a progressé dans le système Spurs jusqu’à devenir un des meilleurs 3&D (shooter à 3points et défenseur) de la ligue. Rigoureux en défense, il ne sera jamais un pénétrateur efficace ni un créateur. Mais il est l’archétype du joueur du de la philosophie des Spurs qui n’a pas réussi à trouver sa place en NBA avant d’être sublimé par son rôle dans le système de Popovich. Ce qu’il sait faire, il le sait. Et il le fait très bien. Il était de cette manière une petite icône de la franchise. Il va beaucoup manquer à l’équilibre défensif et offensif des Spurs. Comme Bruce Bowen il y a plusieurs années, Pop adore utiliser un joueur de ce type qui sait se cacher dans le coin en attaque en attendant la bonne passe et être un stoppeur de l’autre côté du terrain.
Et que dire du départ de Parker à Charlotte, après 17 saisons sous les couleurs des Spurs. Que dire de la retraite de Ginobili fin août. Ces deux « départs » étaient à prévoir sur court terme. Ils étaient prévus et minutieusement préparés. Les deux autres membres du « Big Three » aux côtés de Duncan, commençaient, depuis quelques saisons, à voir leurs rôles sensiblement réduire dans la rotation. Ils n’étaient plus les leaders offensifs qu’ils ont été par le passé. Pourtant en tant que pilier et garant de la philosophie Spurs, ils tenaient toujours une place de patron au sein du groupe. Ils assuraient la continuité et le lien entre l’ère Duncan et celle de Leonard.

Il restait un an de contrat à Manu Ginobili. On savait pour lui que si ce n’était pas cet été, cela aurait été le suivant. Cela faisait deux ans que les amoureux du jeu se préparait à dire adieu aux eurosteps du magicien Argentin. Sa retraite, annoncée fin août, fut quand même vécu comme un crève-cœur par l’ensemble de la communauté NBA : joueurs actuels et retraités, coachs, consultants, fans (des Spurs ou non)…peu de retraites de joueurs NBA ont été vécu avec une telle émotion par tant de personnes différentes.
Manu restait encore un joueur très efficace la saison dernière. En fin de saison régulière, lorsque San Antonio a dû se battre pour obtenir sa place en Playoffs, Ginobili avait ressorti son costume de Super Manu. Derrière Aldridge, le quarantenaire était le meilleur joueur de San Antonio. En attaque il avait pris les rênes de l’équipe et dirigeait le jeu. Le mix entre la sagesse du vétéran et la magie/folie du Manu permettait à Ginobili de créer du jeu et des décalages comme personne ne pouvait faire au sein des Spurs. Il avait par défaut la responsabilité de la mène dès que Murray sortait du terrain. Cela décalait Mills au poste 2 où ce dernier pouvait faire parler ses qualités en catch & shoots. Manu, quant à lui, dansait autour des écrans d’Aldridge et de Gasol. Quelques pointes à 17 points et plus, des shoots à 3 points décisifs, des passes extraordinaires. Des actions défensives décisives comme une interception, un contre par derrière ou un passage en force provoqué, Il donnait l’impression qu’il lui restait facilement une saison de plus dans les jambes. Mais pour rester à un tel niveau, il lui aurait fallu bosser le physique comme un monstre cet été. Et Manu s’est rendu compte que, s’il adorait toujours autant jouer au basket que lors de ses jeunes années à Bahia Blanca ou Bologne, il ne voulait plus s’imposer une mise en forme drastique pour pouvoir suivre les petits jeunes toute l’année. De surcroit, il voulait enfin profiter de sa famille, de pouvoir aller en vacances en Argentine durant l’été pour la première fois depuis plus de 15 ans. Lui qui a joué 15 saisons pleines avec playoffs à San Antonio en cumulant avec la sélection Argentine presque tous les étés quand il n’était pas blessé, mérite amplement son repos. Il manquera aux amoureux du jeu, pour sûr. Avoir eu la chance d’admirer ce joueur pendant si longtemps, jusqu’à ses 41 ans, fut déjà un cadeau.
Le choix de Parker est plus surprenant étant donné qu’il a passé toute sa carrière à répéter qu’il serait honoré de jouer toute sa carrière sous le maillot de San Antonio. Les Spurs lui ont proposé le même contrat en termes de durée et de salaire que Charlotte mais, au contraire des Hornets, ne lui ont pas garanti de temps de jeu. Ils lui avaient visiblement proposé un rôle de mentor pour la nouvelle garde Dejounte Murray et Derrick White. TP lui veut encore jouer. Après des playoffs encourageant en 2017 jusqu’à sa blessure face à Houston en demi-finale de conférence, il a eu du mal à retrouver un niveau de jeu intéressant la saison dernière. Revenu de sa blessure en novembre il n’a jamais réussi à retrouver la régularité au shoot suffisante qu’il avait développé pour combler sa perte de vitesse de ces dernières années. Il était moins saignant, créait moins de décalage même si il excellait toujours dans la gestion du tempo. La rupture des ligaments croisés de Murray il y a quelques jours en présaison rajoute un goût amer au départ de Parker. Avec un Murray très probablement écarté des parquets pour toute la saison, il ne reste plus que que White et Mills au poste 1 pour prendre la mène. C’est léger.
En parallèle, les Spurs ont fait un choix fort en ne s’alignant pas sur la proposition de Memphis faite à Kyle Anderson qui part donc dans le Tennessee pour 4 ans et $37 millions. Il avait pourtant montré de très bonnes choses l’année dernière. Intronisé titulaire à l’aile à cause de la blessure de Kawhi Leonard, il a su mettre en valeur ses qualités. Même si son shoot est resté inconstant et trop peu dangereux à trois points, il a prouvé que sa lenteur ne l’empêche pas d’être un bon défenseur et un excellent créateur en attaque. Son QI basket lui permet de compenser ses déficiences physiques. Il est capable, des deux côtés du terrain, d’anticiper le positionnement des adversaires et ainsi bien se positionner en défense ou trouver un partenaire ouvert en attaque. Sa qualité de passe, sa technique et ses appuis ont fait le reste.
Les départs de Lauvergne et Brandon Paul étaient en revanche attendus. Paul n’a jamais eu de grosses opportunités malgré une bonne perf à 18 points face à Boston lors d’une défaite des Spurs. Lauvergne, lui, n’a jamais réussi à trouver ses marques à San Antonio malgré l’habituel abnégation et l’investissement physique et émotionnelle qu’il possède sur chaque action. Trop petit ni assez aérien pour jouer au poste 5, il manque de shoot extérieur pour jouer au poste 4 dans la NBA moderne.
San Antonio est une équipe qui a toujours cherché la stabilité dans son effectif. Cet été, pour la première fois depuis l’ère Pop, cinq joueurs majeurs ont quitté le Texas. Quatre de ces cinq joueurs, Ginobili, Parker, Leonard et Green, ont été des rouages essentiels des derniers succès des Spurs en 2013 et 2014 et des membres actifs de la philosophie de Pop. Parker et Ginobili, eux, en étaient les garants, respectivement depuis 2001 et 2003, années de leurs arrivées à San Antonio. En acceptant un rôle de sixième homme pendant presque la totalité de sa carrière à Fort Alamo, Manu a montré à tout joueurs qui arrivaient à San Antonio, le sens du mot sacrifice et que la victoire et le collectif étaient toujours plus importants que son image personnelle. Parker avait démontré cet esprit la saison dernière en acceptant de revenir de sa blessure en tant que rotation du jeune Dejounte Murray.
Le leadership et les valeurs collectives auront besoin d’être redéfini et retravaillé avec un effectif orphelin de TP et Manu. Si Popovich est toujours là dans le rôle du bâtisseur, Il faudra trouver rapidement l’alchimie collective qui a fait la force de San Antonio ces deux dernières décennies. Cette rigueur quasi militaire, cette placidité, cette machine huilée qui met toujours l’individuel au service du collectif, peu importe la situation. Pop va-t-il pouvoir trouver dans cet effectif des disciples de la trempe de Parker, Ginobili, Leonard et Green ? Ces deux derniers avaient appris des deux premiers, qui, eux-mêmes, avaient appris de Tim Duncan. Des hommes de système avant tout.
La défense, la base qui a fait le succès des Spurs de l’ère Popovich, est l’aspect du jeu le plus abimé par ces départs estivaux. La paire Kawhi Leonard et Danny Green est une des meilleurs en défense extérieure. En forme, Leonard a montré à de nombreuses reprises qu’il était le meilleur défenseur extérieur de la NBA. Deux fois meilleurs défenseurs de l’année, 3 fois dans la 1ère équipe défensive de la saison. Il peut faire déjouer n’importe qui. Avec une rapidité latérale trop rarement soulignée, il possède une vision du jeu et une capacité d’anticipation et d’esquive des écrans de très haut niveau. Il a tout pour lui en défense. Y compris de grand bras et des mains gigantesques qui l’aident dans l’art de l’interception. Tout cela combiné à une énergie débordante qui contraste avec son stoïcisme.
Green, lui, est un défenseur plus sobre mais diablement efficace. Il sait bien se placer et fait très peu d’erreurs en défense loin du ballon.
Anderson a longtemps été un défenseur sous-estimé mais la saison dernière il a montré ses qualités. Avec lui sur le terrain à la place de Kawhi Leonard, les Spurs sont restés l’une des meilleures équipes en défense.

Sans Duncan, l’ancre défensive de San Antonio lors de ces deux dernières décennies, les Spurs avaient déjà réussi à conserver d’excellentes performances défensives en 2017. En ajoutant l’absence de Kawhi Leonard en 2018, les Spurs sont parvenus encore à faire partie des meilleures défenses de la ligue.
Le système de Popovich et la philosophie de jeu qu’il impose à ses joueurs en est la raison principale. Sous son égide, les joueurs progressent en défense.
Lamarcus Aldridge est le dernier exemple. Si il ne sera jamais un grand défenseur, il a su développer au contact de Popovich, des ajustements qui lui ont permis d’améliorer ses capacités défensives. Son attitude lors d’une protection de panier est, notamment, beaucoup plus juste. Ne possédant pas une grande détente ni une bonne technique de contres, il a tout de même amélioré son impact dans ce secteur en travaillant son placement d’appuis et la justesse de sa position défensive. Bras en l’air, positionnement dans son cylindre, il force l’adversaire à lui shooter dessus. Plus lourd et physique qu’il y a quelques années, il a accepté cette manière de défendre, moins aléatoire et volatile que par le passé. L’Aldridge de Portland tentait beaucoup plus d’interceptions lorsqu’un adversaire montait au panier ou jouait poste bas et dos au panier. Parfois cela semblait une action désespérée d’un joueur qui ne pouvait contenir l’attaque de panier adverse ni défendre son arceau. En parallèle, Aldridge a également développé son intelligence de jeu collective en défense. Ses positionnements en aide pour protéger la peinture sont plus justes. Il a un mauvais déplacement latéral ce qui ne lui permet de pas de tenir très longtemps lorsqu’il se retrouve à défendre sur un extérieur mais il n’est pas plus mauvais que la moyenne dans ce secteur. Le plus important étant qu’il sait protéger sa raquette à présent. Cela permet aux Spurs de le faire jouer 5 et ainsi proposer un lineup small ball si besoin.
De nombreuses interrogations sur ce nouvel effectif
Le travail de Popovich et son staff est la raison principale du succès continu des Spurs en défense. Une raison majeure mais qui ne peut couvrir entièrement les lacunes des joueurs. C’est à ce niveau-là que les questions se posent pour cette nouvelle saison. Le travail de coaching ne peut être suffisant pour avoir une des meilleures défenses et une attaque qui tourne de manière fluide. Il va falloir que certains joueurs progressent radicalement.


Demar Derozan : Demar est un talent offensif reconnu. Il est capable de pénétrer et shooter à mi-distance avec efficacité. Ses stats parlent pour lui. Ses seules faiblesses en attaque sont le shoot à trois points et le déplacement sans ballon. Faiblesses qu’il est parvenu à combler en concentrant son jeu sur ses qualités.

Seulement les Spurs vont avoir besoin d’un Derozan plus complet. Gay et Aldridge sont déjà deux joueurs de un contre un / poste bas. San Antonio ne peut en avoir un troisième. Il faut que la balle bouge pour pouvoir créer des décalages dans les défenses adverses. Il faut que Derozan et Gay adoptent le catch & shoot et le drive & kick. Autrement, il est probable que les défenses adverses vont pouvoir aisément anticiper lorsque l’un deux se retrouvera à l’opposé côté faible. Derozan doit aussi améliorer son jeu sans ballon. Il doit apprendre à couper lors de moments opportuns, sur un poste bas d’Aldridge par exemple.
La défense a toujours été un problème pour Derozan. Si ces dernières années ont montré des signes de progrès, les lacunes sont toujours présentes et vont devoir être corrigées. Il parvient à défendre assez bien un 1 contre 1 en isolation ou un poste bas. Mais de manière générale, que ce soit sur le porteur de balle ou loin du ballon, Derozan est faible. Un écran suffit pour le déstabiliser et laisser son adversaire direct ouvert pour une pénétration ou un tir. Loin du ballon, il perd trop souvent le contrôle de son adversaire direct. il manque de rigueur. Il ne possède pas les bonnes attitudes défensives. Le plus souvent, comme Aldridge le faisait avant d’arriver à San Antonio, il joue les interceptions désespérées. Après avoir été dépassé, il manque de ce quelque chose qui pourrait lui donner envie de revenir et de se remettre en bonne position défensive. Il ne parvient pas à revenir en bonne position défensive avec ses jambes et ses capacités en déplacement latérale. Il peut s’agir d’un manque de concentration, de lucidité, c’est une énigme. Le plus souvent, au bout d’un certain temps en défense, Derozan perdra de vue son vis à vis et deviendra passif. Comme un plot qui joue tout seul en zone alors que ses coéquipiers défendent en homme à homme. S’il veut devenir un leader des Spurs et prouver qu’il peut prolonger le succès de la Franchise de San Antonio, il va devoir s’améliorer significativement de ce côté du terrain.

Marco Belinelli : Contrairement à Derozan, Belinelli est spécialiste du déplacement sans ballon et du tir à 3 points. Et les Spurs avaient désespérément besoin d’un joueur comme ça dans leur effectif après le départ de Danny Green et Manu Ginobili. Ces deux qualités, font de Marco Belinelli un joueur très complémentaire de Derozan et Aldridge.
Ces deux derniers attirent les défenses et les prises à deux ce qui laisse de l’espace à Belinelli pour couper ou trouver un shoot ouvert. En revanche, comme Derozan, Belinelli possède un jeu défensif très douteux. Moins athlétique que Demar, il a beaucoup de mal à tenir un 1 contre 1 face à n’importe quel extérieur NBA et ses « close out » sont très mauvais. Il ne montre pas un QI défensif qui lui permettrait de combler ses lacunes athlétiques. Il est incapable de revenir correctement sur un attaquant ouvert et ne propose pas non plus une solidité physique supérieure à la normale. Il peut se faire enfoncer assez facilement. Bref, il est plus rassurant de voir Marco lancer des bombes à trois points, que de le voir défendre sur James Harden.

Dante Cunningham & Quincy Pondexter : Ces deux signatures posent beaucoup de questions. Certains voient, et à juste titre, un très mauvais signe. Ces deux vétérans, recrutés pour faire le nombre, ne se sont pas arrachés sur le marché l’été dernier.
Pondexter a eu une période de deux ans où il avait disparu des radars NBA (2015-2017), avant de revenir jouer un rôle de vétéran à Chicago l’année dernière, une équipe de tanking. Cunningham avait trouvé à la Nouvelle-Orléans, une place où son rôle était valorisé. Mais cela n’a pas duré. La saison dernière, il s’est fait trader à Brooklyn contre Rashad Vaughn, qui n’a même pas joué une seule minute chez les Pélicans. Si ces deux vétérans peuvent être appréciés par leur rigueur et leur sens du sacrifice sur un parquet, ils montrent une faiblesse claire dans l’effectif des Spurs. D’habitude, ce sont des jeunes non draftés que Pop arrive à trouver et à intégrer dans l’effectif. Après ces jeunes, des vétérans, soigneusement sélectionnés, apportent une expérience de leaders et ont souvent un objectif bien précis : remporter un titre. On peut penser à David Lee ou David West dernièrement. Mais ces deux signatures démontrent un manque de solution et d’alternatives. Cunningham et Pondexter ont prouvé dans leur carrière respective qu’ils manquent de talent pour être plus que le douzième homme de manière régulière dans une équipe qui vise un peu plus qu’une qualification en Playoffs.

Lonnie Walker : Pour la première fois depuis le choix de Duncan en numéro 1 en 1997, les Spurs ont eu l’opportunité de drafter dans le top 20 (en 2010, James Anderson a été drafté 20ème). Et les Spurs ont choisi le très jeune arrière Lonnie Walker (19ans) de l’université de Miami. Beaucoup d’espoirs sont placés en lui.
Il est déjà un joueur très complet des deux côtés du terrain. Adroit derrière l’arc, il possède des capacités de créations en pénétration qui lui permettent soit de finir au cercle ou de ressortir la balle vers un coéquipier ouvert. Il possède de bons instincts défensifs qu’il faudra développer. Mais les Spurs peuvent avoir un bon espoir pour le futur à long terme avec Murray et Walker aux postes arrière. Blessé en présaison, il faudra attendre un peu avant de le voir sur les terrains. Murray blessé pour toute la saison, il faudra également attendre la saison prochaine avant de les voir associer dans le backcourt. A voir.

Jakob Poeltl : Jakob est encore jeune. Son jeu a besoin de se perfectionner. Si il a montré des signes intéressants lors de ses deux premières saisons à Toronto, il reste encore un diamant brut à polir. Il a une tête bien faite qui lui permet d’être juste dans son travail de l’ombre en attaque et dans ses placements en défense mais il va avoir besoin de développer sa technique pour augmenter son impact offensif.
Sa défense est l’élément le plus abouti de son jeu, comme en témoigne son rating défensif de la saison passée avec Toronto qui le place dans le top 20 NBA. Son engagement et investissement physique dans la raquette est déjà un point sur lequel il va pouvoir s’appuyer pour se faire une place dans l’effectif. San Antonio manque de joueurs morts de faim qui seraient prêts à sacrifier une hanche pour récupérer un ballon cafouillé. Poeltl, lui, va se battre comme un acharné. Il devrait beaucoup progresser au côté de Popovich car il fait partie de ces joueurs qui respecte la hiérarchie et est doué d’une grande humilité. Cette saison il va écouter, observer et travailler. Avec quelques bonnes piges sur le terrain, sa saison sera réussie.


Derrick White : Déjà dans l’effectif des Spurs l’année dernière et titulaire de quelques piges, majoritairement envoyé en G-League, et champions avec les Austin Spurs, White va devoir saisir sa chance cette saison. C’est pour lui faire de la place, que Pop a uniquement proposé à Parker un rôle de mentor.
Rôle que Parker a refusé et a décidé de parti finir sa carrière chez les Hornets. Très convaincant en G-League la saison dernière (24pts/match), ce combo guard rentre typiquement dans le cadre des jeunes inattendues et révélés par les Spurs. Reste à voir si il est capable de confirmer. Assez complet en attaque, il a besoin de s’affirmer et de prendre confiance en ses capacités. Plutôt scoreur que gestionnaire, on devrait avoir une meilleure idée de son rôle au bout de quelques mois. Mais sa blessure, lui aussi contractée en présaison, risque de retarder son épanouissement.
Aldridge, témoin et preuve du travail de développement des Spurs
Vu la situation, on est légitimement en droit de se demander si les nouveaux arrivants vont aider les joueurs de l’année dernière à prolonger la série de succès qu’ont vécu les Spurs avec Duncan et consort.
La saison passée Aldridge a tenu l’attaque des Spurs à lui seul. Sans Leonard, les Spurs sont revenus à un jeu anachronique dans la NBA actuelle. Tout était basé sur les postes bas et les picks-n-roll de Lamarcus Aldridge. Avec une certaine réussite. Popovich étant conscient de la capacité de création limitée de l’équipe (Kawhi absent, Parker et Ginobili âgés), il a fait le choix de jouer sur le talent en poste bas d’Aldridge. Avec sa puissance au sol, sa technique d’appuis, sa finition proche du panier, son toucher à mi-distance et son efficacité en fadeaway, il a su parfaitement remplir le rôle que lui avait donné Pop. Il a également su montrer une bonne amélioration dans sa qualité de passe. Il était très important qu’il puisse proprement ressortir les ballons lorsqu’il était soumis à une prise à deux. C’est justement de là que partait tout le mouvement du ballon et le jeu collectif offensif des Spurs. La seule menace que représentait Aldridge avec ses qualités individuelles forçait la défense à réaliser une prise à deux. Que ce soit à la suite d’une prise de position au poste bas ou un pick-n-pop, Aldridge créait un décalage avec la prise à deux qu’il provoquait. Cela facilitait la recherche de shoots ouverts et les tentatives de pénétration de ses coéquipiers, qui, face à une défense déséquilibrée et des adversaires en retard dans les close-ups, attaquaient plus facilement des couloirs de pénétration plus larges.
Lorsque la prise à deux ne venait pas ou était en retard, Aldridge n’hésitait pas à attaquer le cercle ou profiter de l’espace pour tenter un shoot ouvert mi-distance. Il a assuré un système offensif fiable sur lequel Popovich pouvait se reposer pendant près de 70% de la durée d’un match.
Aldridge n’a jamais été aussi fort offensivement avec les Spurs. Il est revenu aux standards de ces dernières années à Portland. Des standards qui font de lui un des meilleurs intérieurs de la ligue.

Grâce à lui, les lacunes offensives de l’effectif ont été dissimulé. Déjà l’année dernière le shoot à trois points était un problème pour les Spurs. Les départs de Green et Ginobili et l’arrivée de Derozan n’annoncent pas une amélioration dans ce secteur.
Le problème de la ligne à 3 points
Dans une NBA qui shoote de plus en plus derrière l’arc, les Spurs étaient seulement 27ème en NBA en termes de volume de 3 points tentés la saison dernière. La réussite était à peine plus intéressante (35%, 26ème en NBA). Les contributions de Green et Ginobili derrière l’arc correspondaient à plus de 30% des tirs à trois points réussis par les Spurs.


Mathématiquement, les joueurs arrivés semblent compenser les conséquences de ces départs. Derozan et Belinelli combinent un apport de 3 trois points en moyenne et Cunningham presque 1. Hors de ces considérations statistiques, 2017-2018 est la première saison où Derozan possède une moyenne de plus d’un trois points réussi par match. Il est à 0.5 en carrière. Tout cela combiné à un mauvais pourcentage. Belinelli est un excellent shooter mais ses pauvres qualités défensives l’empêche de rester sur le terrain de manière fréquente et régulière. Cunningham n’est pas une valeur sûre ni un shooter à proprement parler. Pondexter a eu de très bonnes saisons au shoot durant sa carrière mais le manque de référence récente laisse son statut dans le flou. Idem pour Derrick White et Lonnie Walker qui découvrent la NBA.

Danny Green, malgré des dernières saisons en demi-teinte au niveau de son pourcentage à trois points, était une valeur sûre à trois points que San Antonio a perdu. Il va falloir que San Antonio puise dans son effectif pour trouver des scooteurs à mettre en place autour de Derozan et Aldridge. Forbes (39% la saison dernière), Bertans (37%) sont les premiers noms qui semblent apparaitre naturellement au côté de Mills pour assurer aux Spurs une production derrière l’arc. Mais cela sera-t-il suffisant ? Gay et Gasol ont amélioré leurs shoots à trois points depuis quelques saisons mais sont encore assez volatiles derrière l’arc et sont surtout irréguliers. Les solutions manquent. Les jeunes (Forbes, Bertans, White, Walker) sont des espoirs dans ce domaine mais offrent peu de garanties sur une saison entière.
La défense va-t-elle être à la hauteur ?
La saison dernière a été tenu entièrement par un Aldridge d’un très haut niveau en attaque mais aussi, et surtout, par une défense collective qui, malgré l’absence de Leonard, est restée très forte.
Cette saison, Popovich devra composer sa défense sans Danny Green, tradé avec Kawhi Leonard, et sans Dejounte Murray, blessé toute la saison à cause d’une rupture des ligaments croisés. Ce sont tout simplement les deux meilleurs défenseurs des Spurs, hors Leonard. La seconde saison de Murray en NBA, l’année dernière, a montré toutes ses qualités défensives. Intronisé titulaire en début de campagne à la place de Parker, une grosse pression lui était imposé pour assurer la succession du plus grand meneur de l’histoire des Spurs. Déjà élu dans le 2nd cinq défensif de NBA, il faisait parti des cinq meilleurs ratings défensifs de la ligue.
Ces deux éléments sont critiques car ils sont remplacés par des joueurs n’ayant pas le même pedigree défensif. Individuellement, Derozan n’a pas le niveau d’un Danny Green. Forbes et White n’ont pas les mêmes qualités physiques, ni l’instinct nécessaire pour devenir un impact Player en défense comme peut l’être Murray. Patty Mills, le dernier survivant de la grande équipe des Spurs de 2013 et 2014, est peut-être le joueur qui se rapproche le plus d’un meneur défenseur. Il est rapide latéralement et son agressivité sur l’adversaire, avec ou sans ballon est très intéressante. Il gêne les déplacements et les transmissions de balle.
Mais voilà Patty Mills est bien seul dans cet effectif constitué essentiellement de joueurs moyen défensivement. Gasol est encore un bon défenseur, mais la vieillesse se fait ressentir. Gay n’est pas trop mauvais, mais c’est insuffisant pour garantir une bonne assise défensive collective. Là, où à une époque on trouvait partout des défenseurs de haut niveau dans le cinq ou sur le banc des Spurs, à présent, on a tout simplement du mal à en trouver. Le constat est inquiétant.
Bien sûr, les nouveaux arrivants comme Derozan et les jeunes peuvent progresser au côté de Popovich, Duncan et Ginobili (qui font des apparitions aux entraînements), mais il y a des instincts défensifs et des qualités athlétiques qui ne s’inventent pas. Il va falloir que les Spurs mettent en place une défense basé avant tout sur le collectif. Les accoutumances entre joueurs sur les switch, les réflexes de rotation défensive, la propreté et la régularité des attitudes, l’anticipation des écrans adverses…tous ces éléments peuvent être travaillés et faire progresser une défense sans avoir d’excellents défenseurs.
Si Pop arrive, d’un côté, à développer ces détails concrets, et d’un autre côté à trouver le discours qui va permettre d’inspirer son équipe à être plus attentif et rigoureux tout le long d’une possession défensive, les Spurs peuvent espérer maintenir une défense dans le top 10 de la ligue. Pour cela, il va falloir monter de l’envie et de l’humilité face à cette tâche qui, pour les équipes qui manquent de talent, est compliquée le temps d’une saison mais, qui aident grandement à remporter des matches précieux.
Un énorme travail de mise en place d’une vraie culture défensive s’impose avec ce nouvel effectif. A commencer par Derozan, qui, en tant que leader, doit montrer la voie des deux côtés du terrain…
Source stats : https://www.basketball-reference.com/