
Clément Guichard
3 décembre 2018,
temps de lecture : 4min
Ironiquement, l’absence de Curry pourrait avoir servi sa cause dans la course au trophée de MVP.
Stephen Curry a fait son retour le 1er décembre sur le parquet de Detroit. Absent onze matches, il n’avait plus joué depuis le 8 novembre dernier. Les Warriors attendaient avec hâte son retour. Durant cette période, Golden State a vécu la plus mauvaise phase de la franchise depuis l’arrivée de Steve Kerr au poste de coach : 5 victoires pour 6 défaites, 4 défaites d’affilée, des écarts inhabituels (-21 à Houston, -28 à domicile face à Oklahoma City) et un clash entre Kevin Durant et Draymond Green à la fin du match chez les Clippers (défaite de -5 en OT). Cela faisait plusieurs années qu’on avait pas vécu ça dans la baie de San Francisco.
Ce coup de chaud de fin de match entre Green et Durant a révélé plusieurs choses :
1) Kevin Durant n’est pas aussi détendu qu’on aurait pu l’imaginer après avoir survolé la NBA ces deux dernières saisons. Ses tweets hasardeux et puérils avec ses différents comptes twitter (officiels et cachés) avaient déjà laissé entrevoir cela. Sent-il le poids des questionnements autour de la valeur de ses titres et de l’empreinte qu’il laissera dans l’histoire de la NBA ?
2) Les Warriors approchent le point de saturation concernant Durant et son futur. Et la réaction extrême de Green vient de là. Kevin Durant est de nouveau agent libre l’été prochain. Depuis son arrivée, chaque intersaison lui laisse l’opportunité d’aller voir ailleurs si il le souhaite. Si cette flexibilité financière a été intéressante au début pour les Warriors, l’incertitude qu’il laisse planer par son statut d’agent libre chaque été, use l’organisation et les relations de Durant avec ses coéquipiers.
Au-delà des chiffres énoncés précédemment et du coup de chaud entre un Durant hyper-sensible et fier et un Green habitué à des envolées de ce genre, le constat « basketballistique » a été très inquiétant. Pendant cette période sans Curry, les Warriors ont été méconnaissables. Green a manqué 9 de ces 11 matches. Il a enchainé une suspension suite à l’échauffourée avec Durant, puis a subi une blessure à un doigt de pied. Ses deux présences sur cette période, se sont soldés par deux défaites face aux Clippers et aux Rockets. Sans Curry et Green, les Warriors sont une toute autre équipe. Cette phase délicate l’a prouvé. Sans eux, Golden State semblait incapable de proposer de solutions collectives en attaque.
Il était déjà évident que l’attaque des Warriors est moins forte sans Curry, le meilleur shooter de la ligue et double MVP. Mais on pouvait espérer qu’une équipe possédant toujours sur le parquet Durant, Thompson et Iguodala pourrait survivre son absence avec ce calendrier largement abordable. Cela a été tout le contraire. Le jeu offensif, d’habitude collectif, léché, et fait de mouvement sans ballon, s’est réduit à un enchainement d’isolement pour Durant et Thompson. Tout deux incapables de faire jouer les autres, les défenses ont pu facilement s’adapter.

La conséquence a été que Curry a surtout brillé par son absence. Pourtant, sans lui, les Warriors possèdent toujours Kevin Durant, l’un des trois meilleurs joueurs de NBA, et Klay Thompson, un excellent 2way player et shooteur à trois points. Mais c’est lorsque Curry n’est pas là que l’on peut facilement se rendre compte de son importance dans le jeu collectif des Warriors. Sa présence sur le parquet apporte de la fluidité dans les mouvements des joueurs et du ballon. Une fluidité nécessaire pour que Golden State puisse développer son jeu small-ball qui réussit tant. Son déplacement sans ballon, ses coupes, ses écrans posés sur un joueur sans ballon, la menace qu’il représente lorsqu’il se tient derrière la ligne à trois points, offrent des espaces à ses partenaires pour créer des décalages dans la défense adverse. Durant sera toujours plus à l’aise en isolation lorsque Curry est prêt à dégainer derrière la ligne à 3 points. L’efficacité unique de son shoot force la défense à le serrer dans toute situation. C’est cet aspect qui le rend si exceptionnel dans un système offensif. Son adversaire direct ne peut ni aider, ni flotter. Parfois Curry est tellement serré qu’il parvient à se démarquer sur de simples feintes de corps.
C’est ce qui le rend magique. Rares sont les superstars qui ont un jeu sans ballon aussi développé. Le plus souvent les superstars sont des joueurs qui ont besoin du ballon pour offrir le meilleur d’eux-mêmes. Son coéquipier, Durant, est un exemple parfait. Curry, lui, peut déstabiliser la défense sans même toucher la balle sur une possession. Par exemple, en posant un écran, il empêche la défense de trapper son coéquipier car elle doit s’assurer qu’il ne soit pas libre après la pose. Lui laisser cinquante centimètres constitue une véritable menace de prendre un shoot sur la tête. Il a su développer son jeu en se basant sur sa meilleure qualité : l’efficacité de son shoot qui libère les espaces, les adversaires ne pouvant lui laisser de liberté. Sa présence est crucial pour le jeu collectif des Warriors.

Si sa seule présence suffit à créer des espaces et du jeu collectif dans l’attaque des Warriors, ce n’est pas par hasard. Depuis le début de saison, Curry délivre des prestations qui le placent directement en tant que candidat numéro un pour le trophée de MVP en fin de saison. Il est proche des 30 points par match et s’installe sur le trône du cercle très fermé des joueurs « 50/40/90 » (50% au shoot, 40% à 3pts, 90% au lancer-franc) avec plus de cinq trois points mis par match en shootant à 49% derrière l’arc. Ces stats sont surréalistes. S’il arrive à limiter ses pertes de balles en cours de saison, qui ont toujours été le talon d’Achille de son jeu, il deviendra un joueur d’un autre monde, proche d’être injouable.
Cette saison, par son absence et sa présence, il rappelle à tout le monde que Golden State est bien l’équipe de Curry. Et que Durant est simplement venu rendre injouable une superteam portée par un des tous meilleurs joueurs. Curry remémore à chacun qu’il possède un QI basket rare. Contrairement à la plupart des stars qui dominent un système, lui, s’intègre dans un système et le sublime sans l’aliéner. Il prouve que le système de Steve Kerr est construit pour son talent et qu’il est plus efficace quand il est présent sur le parquet.
Les Warriors c’est Steph Curry. Une nouvelle bague et un nouveau trophée de MVP cette année, et plus personne n’oubliera cela. Jamais. Les débats qui tentent de déterminer si c’est Durant ou Curry la pièce maitresse des Warriors, deviendront superflus. Peu importe qu’il joue à côté de Durant, probablement le meilleur joueur offensif de la ligue en terme de capacités individuelles. Depuis 2014-2015, Curry sublime le jeu de l’une des meilleures équipes de basket de l’histoire tout en réalisant des performances individuelles hors du commun. A Golden State, Durant est exceptionnel. Curry, lui, est indispensable.
Sources stats : www.basketball-reference.com