Clément Guichard
27 Février 2019,
temps de lecture : 17min



Lors de ces Playoffs 2004, Les Spurs et les Lakers se retrouvent dos à dos 2-2. Les dernières confrontations entre ces deux franchises ont décidé du futur champion. Et celle-ci, par son contexte exceptionnel, risque d’être la plus incroyable. Le match 5 sera décisif.


2 mai 2004.

Nous sommes au cœur des Playoffs NBA. Les demis finales de conférence sont très disputées. Toutes les têtes de série ont franchi le premier tour et l’intensité est montée encore d’un cran. Chacune des quatre séries sont à égalités deux partout.

A l’est, le numéro un de la conférence, Indiana, bataille avec le quatrième, Miami. Tandis que New Jersey, le second, affronte Detroit, le troisième. A l’ouest, le premier de la conférence, Minnesota et son MVP, Kevin Garnett, luttent face à de valeureux Kings, quatrième de l’ouest. L’autre série fait se retrouver San Antonio, le troisième, et les Los Angeles Lakers, les seconds, pour une énième confrontation en Playoffs.

C’est la quatrième fois d’affilée, dont la troisième fois en demi-finale de conférence, que les Spurs et les Lakers se rencontrent en Playoffs. Cette série de duels a crée une forte rivalité. Et pour cause. Elle réunit les deux franchises qui se partagent les titres NBA (3 pour les Lakers, 2 pour les Spurs) depuis la retraite de Jordan, cinq ans plus tôt. Une rivalité qui va atteindre son paroxysme lors de ces Playoffs 2004.

Résultat des dernières confrontations en Playoffs entre les Lakers et les Spurs

A l’ouverture de cette série, les deux équipes se connaissent presque par cœur. Beaucoup d’éléments de jeu son restés les mêmes des deux côtés et les effectifs ont peu bougé. Sur le banc, on retrouve le duel Greg Popovich – Phil Jackson, deux maîtres du jeu. Sur le terrain, Duncan contre Shaq dans la raquette laisse rêveur. Et on a hâte de voir une série avec Bowen dans les chaussettes de Kobe. En attaque, les Spurs joueront sur Duncan en poste bas pour scorer et provoquer les prises à deux, puis sur Parker qui lui essayera de faire exploser la raquette des Lakers avec ses pénétrations incessantes. les Lakers, quant à eux, se reposeront comme toujours sur la fameuse attaque en triangle de Phil Jackson, et sur les talents individuels de Kobe et de Shaq.

Mais ce qui écrira la trame de cette série sera l’autre côté du terrain : la défense. San Antonio est réputé pour sa défense depuis toujours mais a passé un autre cap avec la prise de fonctions de Popovich et l’arrivée de Duncan. Bien que jouant sur un tempo relativement faible, ils utilisent leurs stops défensifs pour lancer Parker et Ginobili en transition et marquer des paniers faciles. Les Lakers, quant à eux, ont un énorme potentiel défensif, mais manque de régularité. Mais si les quatre stars se mettent à défendre, et que Derek Fisher, le roi du passage en force, est en forme, le reste de l’équipe suivra. C’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé lors de la série précédente face à Houston.

Cette série, pourtant, ne ressemblera à aucune autre du passé entre L.A et San Antonio. A l’été 2003, deux gros changmeents se sont opérés de chaque côté. David Robinson, légende vivante des Spurs, membre de la dream team de 92 à Barcelone, et l’un des plus grands pivots de l’histoire de la NBA, a pris sa retraite de la meilleure des manières après avoir glané son second titre la saison dernière, après celui de 1999. Après des années de fidélité a leurs franchises de toujours, Karl Malone, du Jazz, et Gary Payton des Sonics, sont arrivés aux Lakers dans l’espoir de conquérir ce titre qui leur échappe depuis le début de leurs carrières de « Hall of Famer ». Ils se sont tout deux heurtés aux Bulls de Jordan et Phil Jackson dans les années 90, malgré deux apparitions en finales en 1997 et 1998 pour Malone, et une apparition en 1996 pour Payton. Toutes perdues face aux Bulls et MJ.

Venus épaulés Shaq et Kobe dans des rôles de vétérans, ils ont crée l’effervescence à leur arrivée, et ont propulsé les Lakers au rang de favori numéro un pour le titre 2004. Une nouvelle superteam était née. Bien qu’âgés, Malone (40 ans) et Payton (35 ans), avec leurs talents, étaient suffisamment affutés pour rendre encore d’excellents services à une équipe qui souhaite aller jusqu’au bout.

Malgré le fait que les Spurs soient tête de série numéro trois, et les Lakers, seconds, San Antonio possède l’avantage du terrain sur ces demi finales. Les Spurs ont réalisé une meilleure saison (57 victoires et 25 défaites contre 56-26 pour les Lakers) et profitent donc de ce précieux avantage. Les Lakers sont seconds car une priorité est donnée aux vainqueurs de division pour les têtes de série une et deux. Les Lakers ont remporté la division « Pacifique », tandis que San Antonio est arrivé second dans la division « Midwest », derrière Minnesota qui est premier au général de la conférence ouest et tête de série numéro une.

Le premier match à San Antonio est dominé par les Spurs en défense et dans l’énergie. Ils tiennent à 78 points, des Lakers, trop dépendant de Kobe et Shaq (31 et 19 points), et remportent la rencontre 88-78. Le match deux se soldent par le même résulat. Des Spurs bien plus aggressifs étouffent une équipe des Lakers souvent dépassée. Shaq surnage mais Kobe est bien tenu par Bowen. Duncan et Parker portent toujours les Spurs. Résultat final : 95-85. Les Spurs mènent confortablement deux à zéro avant de se rendre à Los Angeles pour les matchs 3 et 4. Les Lakers inquiètent et se retrouvent sous pression. Si un des deux matchs à domicile est perdu, la série serait quasiment terminée pour eux.

Tels les grand champions qu’ils sont, Les Lakers réalisent un match trois exceptionnel en étrillant 105-81, des Spurs un peu endormi et peut être un peu trop confiant. Parker et Duncan ont disparu (8 et 10 points). Phil Jackson a décidé de réaliser des prises à deux sur les pénétrations de Parker ce qui a complétement annihilé le jeu offensif des Spurs. Seul Ginolbili et Devin Brown parviennent à monter le bout de leur nez (17 et 16 points). De l’autre côté, la Superteam des Lakers marche sur la rencontre. Shaq mets 28 points, Kobe 22, Payton 15 et Malone 13.

Sur cette nouvelle lancée, ils parviennent à égaliser la série à deux partout au match 4. Malgré un bon trio Duncan, Parker et Ginobili (19 et 18 et 21 points), les Spurs ne peuvent rien faire face à un Kobe stratosphérique (42 points, 6 rebonds, 5 passes décisives, 3 interceptions et 1 contre en 45 minutes, à 15/27 aux tirs, dont 2/4 à trois points et 10/13 aux lancers-francs) et un excellent Shaq (28 points, 14 rebonds, 4 contres en 46 min à 10/18 aux tirs et 8/11 aux lancers francs).

Les compteurs sont remis à zéro. La série se jouera donc au meilleur des trois manches. Les matches cinq et sept seront à San Antonio et le six à Los Angeles.

Le match cinq sera un tournant décisif dans cette série. Si San Antonio l’emporte, ils iront à Los Angeles pour le match 6 en sachant qu’ils ont encore éventuellement une dernière rencontre à domicile pour obtenir une quatrième victoire et gagner la série. Les Lakers peuvent espérer voler le match cinq à San Antonio, et mettre la pression sur les Spurs pour un éventuel match 6 décisif à domicile.

Grâce à l’avantage du terrain, San Antonio part favori. Mais les Lakers ont montré qu’ils pouvaient gêner la forteresse défensive des Spurs comme aucune autre équipe. C’est la première fois, depuis le début de l’ère Duncan-Popovich, que San Antonio enchaîne trois matches d’affilés où l’adversaire tire à plus de 50%. Les Lakers viennent de réaliser cette performance lors des matches deux, trois et quatre.

En cette chaude soirée texane du 2 mai 2004, la tension est à son comble au sein du SBC Center de San Antonio. La salle est pleine à craquer et les fans des Spurs sont bouillants. Tous les éléments sont là pour assister à un match épique et dramatique comme seuls les Playoffs peuvent offrir.


Le Match

La rencontre commence comme prévu. La défense domine les débats des deux côtés du terrain et les attaques se reposent sur leurs forces respectives.

San Antonio souffre en attaque posé et se concentre essentiellement sur un Duncan très actif au poste bas, mais en manque de réussite. La défense reste la meilleure attaque de Spurs. Elle leur permet de jouer les transitions rapides avec Parker et Ginobili face à des Lakers plus âgés.

En face, l’efficacité de l’attaque en triangle sauve des Lakers bien peu inspirés collectivement en attaque. Shaq ne score presque pas mais impose sa patte dans la raquette et reste très influent sur le match. Payton et Malone restent assez discrets. Seul Kobe surnage, épaulé par un Devean George méritant.

Les Lakers mène 24-18 à la fin du 1er quart-temps.

Manu Ginobili et Kobe Bryant sont les deux hommes qui ressortent du lot sur cette première partie de match.

Manu est un des seuls Spur qui parvient à déstabiliser la défense. Ses changement de direction, sa vivacité, et l’impossibilité de prédire ses prochains moves, lui permet de trouver des lignes de pénétration et de finir au panier ou ressortir pour un coéquipier ouvert.

Parker, en revanche, qui joue beaucoup plus sur sa vitesse, son dynamisme et son accélération, est attendu par la défense de Los Angeles sur chaque pénétration. Exceptionnel lors des deux premiers matches de la série, Phil Jackson et les Lakers semblent avoir trouvé la parade contre lui. Dès qu’il part en drible et s’approche de la raquette, trois défenseurs de L.A se mettent sur son chemin, l’entourent et l’étouffent en lui coupant les lignes de passes.

Kobe Bryant continue son récital. Il semble le seul joueur sur le terrain à dominer la défense adverse. Son jeu à mi-distance pose beaucoup de problèmes à Bruce Bowen et la défense collective des Spurs. En pleine confiance, il profite des trop nombreuses positions ouvertes que lui laisse San Antonio. Parfaitement intégré à l’attaque en triangle, il montre une excellente synergie avec ses coéquipiers dans la réalisation des principes du triangle. Dans le rôle que pouvait avoir Jordan quelques années plus tôt, il se délecte des différentes sorties d’écrans qu’il obtient en tête de raquette ou en ligne de fonds. Pour un Kobe en forme, cela résulte en shoot mi distance facile, ou en pénétration aisé jusqu’au panier.

La première partie du match montre clairement des Lakers plus énergiques et collectivement mieux rentrés dans leur match. Los Angeles domine sans pour autant parvenir à creuser un écart significatif.

Tim Duncan, en difficulté au tir, sonne pourtant la révolte et montre l’exemple à ses Spurs en redoublant d’intensité. Sur une attaque agressive du rebond offensif, à cinq minutes de la fin du second quart-temps, il provoque la troisième faute du Shaq, qui est contraint de finir la mi-temps sur le banc. Shaquille O’Neal n’aura mis que quatre petits points. Selon ses standards, il aura fait une mi-temps très discrète des deux côtés du terrain. Malgré ça, sa présence sur le terrain a toujours un impact sur le jeu et il sait se révéler précieux dans les aspects intangibles du basket. D’ailleurs, depuis le début de la série, quand Shaq n’est pas sur le terrain, les Lakers galèrent.

A quatre minutes de la fin de la mi-temps, à force de combat et d’énergie, San Antonio revient à deux points, 35-33.

Mais c’est sans compter sur les role-players de Los Angeles qui soutiennent au mieux Kobe dans ses minutes cruciales jouées sans Shaq. Dans ce match de défense, rentrer avec un écart marquant donnerait un réel avantage psychologique aux Lakers pour la seconde période.

Derek Fisher et Luke Walton sortent de leur trou et épaulent Kobe dans le scoring lors de ces dernières minutes. Les Lakers recreusent un peu l’écart. Fisher provoque deux passages en force en deux minutes qui cassent le rythme que Duncan avait réussi à insuffler à San Antonio.

Les Lakers finissent la mi-temps sur un 7-2 et rejoignent les vestiaires en menant 42-35. Kobe Bryant finit la première mi-temps avec quatorze points, à 7/14 au tir.

La troisième quart-temps commencent mal pour les Lakers qui sont revenus des vestiaires visiblement déconcentrés. Ils enchaînent les pertes de balles et les phases arrêtées en attaque. Mais si les Spurs sont ressortis avec beaucoup plus d’envie, ils continuent à avoir une réussite au shoot catastrophique qui les empêchent de recoller.

Alors que Los Angeles vient de vivre une entrée de troisième quart catastrophique, l’écart a augmenté. Après quatre minutes de jeu dans le quart-temps, les Lakers mènent de dix points, 46-36.

C’est alors que Los Angeles décident d’enfoncer le clou. Ils claquent un 17-4 aux Spurs en plein milieu du quart-temps. Shaq retouche la balle en poste, provoque des fautes et est plus présent au rebond. Devean George a un gros coup de chaud derrière l’arc et Kobe est toujours aussi intenable.

En face, les Spurs souffrent toujours terriblement sur attaque placé. Duncan ne domine pas en bas, et Parker n’est pas dans un bon soir. Leurs seules bonnes opportunités sont toujours en transition. Ils paraissent être un ton en dessous des Lakers. Devin Brown, esseulé, surnage un peu lors de ce troisième quart-temps. Ce n’est pas forcément bon signe.

Ce run n’est pas une surprise. Le troisième quart-temps est dominé par les Lakers depuis le début de la série.

A deux doigts de se noyer, les Spurs sont sauvés en fin de quart, par le même Devin Brown exceptionnel qui les ramène à -9. Il finira le match avec onze points à 4/7 aux tirs. Les Lakers, qui semblaient avoir fait le plus dur, finissent le troisième quart en manquant leurs neuf derniers tirs et laissent un dernier espoir à San Antonio pour le dernier quart-temps.

62-53 à la fin du troisième quart-temps. Duncan et Parker n’y sont vraiment pas. Le premier est à treize points, mais à 4/11 au tir, et a surtout perdu sept ballons. Le second est à six points, à 3/14 au tir et 3 pertes de balle. C’est incroyable que les Spurs soient encore dans le match.

A l’entrée du 4ème quart, Parker se réveille enfin et réduit l’écart à sept points avec un shoot mi-distance qui suit une superbe passe dans le dos de Manu Ginobili. 62-55. Les Lakers n’ont plus scoré depuis sept minutes et Kobe Bryant n’est toujours pas allé se reposer une seule seconde. La dynamique semble s’inverser.

Mais même en souffrant, les Lakers se battent toujours en défense. Fisher provoque son troisième passage en force de la partie. Cela redonne de la vitalité aux Lakers. Lors de la possession suivante, Shaq réussit un panier primé en profitant de son excellente prise de position dans la raquette à moins de deux mètres du panier. Il rentre le lancer franc bonus et redonne dix points d’avance aux Lakers.

Cela ne freine pas les Spurs qui continuent sur leur belle lancée offensive de début de quart-temps. Parker réussit un second tir mi-distance consécutif et se remet petit à petit dans la partie. 65-57 pour les Lakers.

Los Angeles n’y arrivent plus en attaque. George ne met plus les shoots qu’il mettait lorsque L.A menait de 15 points, et Payton et Malone sont quasi invisibles depuis le début de la rencontre. Pourtant, ces deux derniers ont été recrutés pour ce genre de match.

Pendant ce temps, les Spurs renforcent la pression et se rapprochent inéluctablement des Lakers en inscrivant deux tirs à trois points consécutifs. Le premier est signé par Turkoglu, encore une fois en transition, tandis que le second est mis par un Parker qui est définitivement revenu dans le match, et qui se pose en chef de file du retour inespéré des Spurs.

Même Kobe, qui semble fatigué, ne semble plus trouver les solutions en attaque et fait une faute offensive sur la possession d’après.

Il reste six minutes et cinquante secondes à jouer. Les Spurs viennent d’infliger un 8-0 aux Lakers et reviennent à 65-63. Le public du SBC Center est en délire. Tout est à refaire pour les Lakers. Tout va se jouer lors de ces six dernières minutes. Le tempo du match semble à présent plus favorable aux Spurs.

Kobe, en parfait compétiteur, refroidit un peu l’ambiance survolté de la salle, et redonne un peu d’air au Lakers avec un shoot à mi-distance à six mètres sur la droite du panier à 30°. 67-63.

Après un enchainement de possessions manquées et de shoots difficiles de la part des deux équipes, Malone parvient à trouver un bon angle de coupe dans la raquette et provoque un faute qui l’emmène sur la ligne des lancers-francs. Il n’en met qu’un mais donne cinq points d’avance au Lakers à cinq minutes de la fin. Duncan, de l’autre côté, réduit l’écart avec deux lancers-francs récupérés après avoir bataillé sous le panier et provoqué la quatrième faute du Shaq.

Duncan, qui est à 5/8 individuellement aux lancers-francs avant ces tentatives, met les deux. Les Spurs recollent à 68-65.

De retour de l’autre côté du terrain, Shaq manque un hook au poste bas avec la planche. D’habitude, il est à l’aise à cet endroit. En transition, après un travail collectif des Spurs pour l’isoler, Duncan profite d’une bonne position au poste. Il se retourne et déclenche un shoot avec la planche sur la tête du Shaq à cinq mètres et à 45°. Son classique, sa signature. Ça rentre.

Les Spurs reviennent à un petit point, 68-67, à quatre minutes de la fin. Parker et Duncan sont enfin rentrés dans le match tous les deux. Les Lakers sont une nouvelle fois sous pression et la foule redouble d’énergie.

Avec l’envie d’éteindre l’incendie, Bryant s’isole à 45° face à Devin Brown mais son tir à mi-distance reste court. Kobe s’est éteint petit à petit. Avec un Kobe fatigué et un Shaq sans rythme, sur quel joueur les Lakers vont pouvoir s’appuyer lors de ces dernières minutes ? Les Lakers restent sur deux shoots réussis lors de leurs dix huit dernières tentatives. Le tempo du match et le momentum sont en faveur de San Antonio. Los Angeles va devoir se faire violence.

Après une violation des 24 secondes de San Antonio sur une possession qui méritait mieux, Kobe se remet dans la même situation que la possession précédente et profite d’une feinte d’écran de Malone pour retenter un tir mi-distance en isolation face à Brown. Le résultat est le même. Il rate de nouveau. Rebond Spurs. Depuis plusieurs minutes, les Lakers sont statiques en attaque et se reposent sur des exploits individuels.

San Antonio peut prendre l’avantage sur cette possession. Sur un pick de Duncan en tête de raquette, Parker lui donne la balle. En face du panier, à cinquante centimètres de la ligne des lancers-francs, il juge que Shaq est un peu en retard et décide de prendre le shoot. Mais alors qu’il a déjà amorcé son shoot, il a peur de se faire contrer par O’Neal qui est bien revenu. Cela résulte en un shoot maladroit en deux temps. Persuadé que son shoot ne rentrera pas, il se lance immédiatement vers le panier pour le rebond offensif. Mais la balle tape la planche et rentre. Les Spurs mènent 69-68 à deux minutes et quarante secondes de la fin. C’est la première fois qu’ils sont devant depuis le premier quart, lorsque le score était 7-6.

Bien décidé à reprendre l’avantage, Los Angeles tente de mettre en place une attaque en triangle en créant du mouvement autour de Kobe, mais celui-ci se fait subtiliser le ballon par Ginobili. Venu en aide à Brown sur la pénétration de Bryant en tête de raquette, il lance Parker en contre attaque. Ce dernier ajoute deux points en finissant sur Payton et les Spurs mène 71-68 à deux minutes de la fin.

Le retournement de situation est fou. Phil Jackson est contraint d’appeler un temps-mort pour la seconde fois en moins de deux minutes. Les Lakers sont à présents dos au mur.

Mais les Lakers sont une grande équipe. Après un excellent système appelé par Jackson, les Lakers trouvent, en quelques secondes, l’espace nécessaire pour servir Shaq en poste bas. Il score sur Duncan par un petit hook main gauche dans la raquette. Ce sont seulement ses 10èmes et 11èmes points en 36 minutes de jeu.

Malgré trois rebonds offensifs sur la possession suivante, et un tir ouvert à trois points en face du panier de « Mr. Big Shot Rob » Robert Horry, les Spurs ne parviennent pas à marquer et donnent une chance aux Lakers de reprendre l’avantage.

Comme lors de la possession précédente, on cherche Shaq au poste bas et on le trouve. Mais cette fois-ci, il sent la prise à deux venir et il préfère ressortir la balle sur Kobe, qui joue le un contre un. Il tente un tir à trois points qu’il manque. Rebond San Antonio.

Il reste moins d’une minute à jouer et San Antonio mène toujours d’un point, 71-70.

Les Spurs repartent en attaque, et Parker prend le temps de consulter Popovich qui demande un jeu à deux avec Duncan sur une moitié de terrain. Un Pick n Roll est effectué, et Parker envoie la balle à Duncan qui travaille Shaq en isolation au poste bas. Il parvient à attirer la prise à deux lorsqu’il rentre dans la raquette et peut ressortir pour un shoot mi-distance ouvert pour Parker. Il tire. Manqué. Malone prend le rebond.

Il reste 31 secondes à jouer. Phil Jackson choisit de ne pas prendre de temps-morts et fait confiance à ses joueurs. Kobe se place avec la balle à 45°, derrière la ligne à trois points, sur la gauche du panier. Il attend un écran de Karl Malone vers l’intérieur. Il démarre en drible et frôle l’écran de Malone. Brown, son défenseur attitré est bloqué dans l’écran. Voyant Horry, le défenseur de Malone, ne pas venir sur lui, Kobe décide monter au shoot en tête de raquette, légèrement sur la gauche. Il est déséquilibré par son rythme qui le fait sauter vers l’avant, mais parvient à se rééquilibrer pour prendre ce shoot totalement ouvert. Ficelle. Un murmure d’effroi se fait entendre dans la salle.

Les Lakers reprennent l’avantage 72-71 à 11 secondes de la fin. Temps-morts San Antonio. Kobe est épuisé et se laisse tomber sur sa chaise. Il vient de donner une grosse option aux Lakers.

Les Spurs remettent en jeu et trouvent Duncan en tête de raquette après un écran de Parker en bas. Il se décale sur la droite avec deux dribbles et cherche désespérément Ginobili en « Give & Go ». Mais ce dernier est superbement défendu par Bryant qui coupe la ligne de passe. Il doit se résoudre à abandonner en plongeant vers le panier pour libérer de l’espace à l’ailier suivant. Brown, qui vient de la tête de raquette, s’engouffre dans l’espace laissé par Ginobili. Duncan parvient à lui donner la balle et à actionner le « Give & Go ».

Intelligemment, Fisher fait faute sur Brown. Les Lakers avaient encore une faute à donner avant d’envoyer les Spurs sur la ligne des lancers-francs. Il reste 5.4 secondes et les Spurs vont devoir de nouveau remettre la balle en jeu. Cette fois-ci, cela se passera de l’autre côté du terrain. Popovich prend un nouveau temps-mort pour préparer un nouveau système.

Il est l’heure. Ginobili se place pour faire la remise en jeu. Il trouve à nouveau Duncan, exactement au même endroit que lors du dernier « Give & Go » infructueux quelques secondes plus tôt. Comme précédemment, Ginobili tente de se créer de l’espace en frôlant Duncan mais trébuche sur Bryant qui, une nouvelle fois, effectue une énorme défense individuelle.

Duncan est contraint de jouer seul. Il se retourne pour se mettre face au panier. Défendu par Shaq, il décide d’attaquer sur la gauche, vers la tête de raquette. Il fait deux dribbles pour tenter de se rapprocher du panier et de créer un peu d’espace entre lui et Shaq. Mais ce dernier ne le lâche pas d’une semelle.

Pressé par le temps, il se voit contraint de tenter un shoot désespéré en fadeaway, sur son mauvais pied, vers la gauche, à plus de six mètres en tête de raquette, sur un Shaquille O’Neal qui ne lui laisse pas un centimètre et tente de le contrer. Duncan se retrouve par terre. La balle semble mettre une éternité à arriver au panier.

Ça rentre…La salle explose. Popovich n’en croit pas ses yeux, Duncan est en transe et plus expressif que jamais et les Spurs célèbrent ce shoot exceptionnel en se disant que le plus dur est fait. Il reste quatre dixièmes de secondes. Grâce à Duncan, San Antonio repasse devant 73-72. Il vient de mettre huit points dans ces cinq dernière minutes alors qu’il n’en avait pas inscrit un seul lors des dix huit précédentes.

Phil Jackson prend évidemment un temps mort pour mettre en place un système et remonter la balle en phase offensive. Si il est très compliqué de trouver un bon shoot en quatre dixièmes, les règles affirment qu’il est possible d’attraper le ballon puis tenter un tir dans ce temps imparti. A partir de trois dixièmes de secondes, il est considéré que seules les claquettes façon volley sont techniquement possibles. Même si il reste quatre minuscules dixièmes, Jackson a donc encore beaucoup de possibilités.

Payton est désigné pour faire la remise en jeu. Horry se met face à lui et tente de gêner la passe avec son grand gabarit. Le moment est venu.

Mais à la vue de la disposition défensive des Spurs, Phil Jackson décide de reprendre un temps-mort avant que Payton remette la balle en jeu.

Rebelote. Cette fois-ci les Lakers changent de disposition. Au lieu d’être tous regroupé en tête de raquette pour exploser de toute part, cette fois-ci, ils utilisent toute la largeur du terrain et se répartissent aux quatre coins du parquet.

Avec une pose d’écran de Kobe sur Shaq dans la raquette pour tromper San Antonio, Phil Jackson tente de libérer Kobe qui remonte vers Payton pour demander la balle. Sans succès. Cela n’a pas feinté Brown qui a suivi Bryant tout le long du système.

Troisième temps-mort pris consécutivement par les Lakers avant que Payton remette la balle en jeu. Ces derniers dixièmes de secondes semblent interminables.

Une nouvelle fois, Payton se dirige vers la touche pour faire la remise en jeu. Les Lakers se sont de nouveau regroupés en tête de raquette. ils espèrent que la concentration de joueurs dans un même périmètre créera des décalages et des retards dans la défense des Spurs. Horry, cette fois-ci, ne tente plus de gêner la passe de Payton. Au contraire, Popovich lui a demandé de se placer devant l’amas de joueur, entre le regroupement et Payton, pour tenter de combler quelconque erreur défensive qui laisserait un joueur de Los Angeles sortir seul de l’amas. La stratégie est bonne. Il est en effet impossible, avec si peu de temps restant, que Payton espère récupérer la balle après l’avoir remise en jeu.

Avec des feintes de démarquages, on tente de libérer Kobe à 45° derrière la ligne à trois points. Mais la stratégie de Popovich fonctionne à merveille. Horry a vu cela, et est venu aider Brown. Kobe est pris à deux et Payton ne peut lui passer la balle.

C’est alors que Derek Fisher, en un contre un face à Ginobili, sort de l’amas de joueur. Il tente de se démarquer en opérant un arc de cercle vers le coin, juste devant la ligne à trois points. Ginobili ne s’est pas laissé prendre et est sur ses talons.

Sans autre solution, Payton choisit de passer la balle à Fisher. En un rien de temps, sans dribler, ce dernier réceptionne la balle, saute et se retourne en l’air vers la gauche pour se remettre face au panier. Étant gaucher, cela lui permet d’enclencher son shoot en un éclair tout en se retournant. Ginobili est présent en défense, et saute les deux bras en l’air pour le gêner le plus possible.

Les shoots de Duncan et de Fisher


Fisher parvient à shooter. Le buzzer retentit. La balle s’élève en l’air vers le panier. Tout le monde retient son souffle. Le temps s’est arrêté.

Le shoot semble aller dans la bonne direction.

Ficelle…c’est la stupeur au SBC Center. Personne ne croit ce qu’il vient de se passer. La majorité des Lakers fous de joie, suivent Fisher qui part en courant vers les vestiaires. Plus aucun Laker n’est sur le terrain à part Shaq. C’est comme si la messe avait été dite, et que les ralentis analysés par les arbitres pour savoir si Fisher avait tiré dans le temps imparti, était inutiles. Les Spurs, eux, sont encore tous sur le terrain, abasourdis par l’épilogue de ce match et dans le déni de ce qu’il vient de se passer. Il y a encore quelques minutes, tout San Antonio célébrait le tir miraculeux de Duncan qui scellait presque la victoire des Spurs. Il était improbable que les Lakers scorent en quatre dixièmes. C’est impossible.

Après révision de la vidéo, les arbitres confirment que le tir de Fisher est valable. Une grande consternation jaillit du public. Les Spurs baissent la tête et rentrent au vestiaire. L’impossible vient de devenir réalité. Derek Fisher vient de mettre un des plus grands shoots de l’histoire des Playoffs en moins de quatre dixièmes de seconde.

La série vient de prendre un tournant exceptionnel. Les Spurs ne s’en remettront pas et perdront de douze points le match six. Les Lakers avancent en finale de conférence et battront sans difficulté les Wolves du MVP Kevin Garnett, avant de sombrer face aux Pistons 4-1 et de voir leur vestiaire exploser autour des problèmes relationnels de Shaq et Kobe.

Mais ce match et ce shoot resteront à jamais graver dans les mémoires. Peu importe ce qu’il s’est passé après. Ce match 5 des Playoffs 2004 entre San Antonio et Los Angeles définit, encore aujourd’hui, le match de Playoffs épique et émotionnel. Tout y était. Les légendes NBA, les grands coachs, et ce shoot. Ce miracle du fish qui parachèvera son statut de tueur, qu’il assumera tout le reste de sa carrière, et notamment lors de ses deux autres titres toujours avec Kobe, Jackson et les Lakers, en 2009 et 2010. Ce shoot exceptionnel, cet instant surréaliste, aura marqué toute une génération. Un shoot exceptionnel par un role player loin d’être ordinaire.


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